Pour en finir, sans en avoir l’air, avec la démocratie, Un article de Brigitte Adès et Jean Dubois
De nos jours, les populistes ‘’illibéraux’’ de Poutine à Viktor Orban, en passant par le polonais Kakjinsky, ont mis au point une technique bien rodée pour en finir avec la démocratie et si possible avec l’Union Européenne porteuse de ses valeurs. Marine le Pen fait partie de ce clan car derrière l’opportunisme ponctuel de son programme, elle n’a pas abandonné ses fondamentaux idéologiques.
Une stratégie de dissimulation
Instruite par son échec de 2017, Mme Le Pen axe son discours sur la question sociale. L’idée est de prendre des mesures suffisamment attractives pour une population en proie à une incontestable souffrance sociale, tout en dissimulant leurs conséquences.
Deux exemples parmi tant d’autres, illustrent particulièrement bien cette duplicité.
Tout d’abord, en matière d’immigration, la ‘’préférence nationale’’ qui vise à établir un principe de discrimination pour le droit au travail, le logement, l’accès aux droits sociaux, et donc à admettre l’existence d’une population dont la présence est tolérée, mais avec un rang inférieur. Or cette mesure remet en question le principe d’égalité, qui figure dans la devise de la République, et qui est aussi fondamental pour l’Union Européenne.
Une autre mesure phare du programme de Marine Le Pen, une disposition prévoyant la supériorité de la constitution française sur les règles européennes est en opposition frontale aux règles qui, depuis les traités des années 60, ont fait l’U. E. . Là encore, le droit européen est clair : les procédures de sanction que subissent la Pologne et la Hongrie qui ont pris ce type de mesure sont là pour le prouver. Personne ne doute que ces deux pays ne puissent demeurer dans l’Union sans modifier cette position.
Autre tromperie manifeste : la magie démocratique du referendum
Pour faire passer ces mesures, Mme le Pen propose un referendum qu’elle présente comme éminemment démocratique. Or l’usage le referendum peut être l’occasion de toute sorte de manipulations. Toute l’ambiguïté réside dans le fait que seul l’exécutif contrôle la question posée et donc peut induire la réponse. Chacun sait à quel point il est aisé en orientant la question d’avoir une maîtrise implicite sur la réponse. Il est donc crucial que des procédures adéquates puissent écarter toute question ambiguë, équivoque ou trompeuse. En cela le rôle du Conseil Constitutionnel s’avérerait crucial. Et si l’utilisation d’un referendum est soigneusement encadré par les articles 11 et 89 de la constitution, ce n’est pas pour la satisfaction intellectuelle des juristes, mais parce que son usage peut mener à toute sorte de tromperies. La Commission de Venise du Conseil de l’Europe l’a fort bien expliqué dans des travaux qui sont la base de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel français sur cette question.
Dans les cas que nous venons de citer, le but serait par une question anodine, de faire décider implicitement par le peuple, la suppression du principe d’égalité ou la sortie de la France de l’UE, avec la catastrophe économique que cela représenterait.
Ces dissimulations ne doivent rien au hasard. Les ‘’illibéraux’’ souhaitent des régimes forts organisés où discipline et propagande remplacent le débat démocratique. C’est ce qui est mis en œuvre par V. Poutine, dont les affinités politiques avec Mme Le Pen sautent aux yeux, sans parler du soutien financier qu’il apporte à sa campagne, car il n’y a rien d’autre que le Chef du Kremlin souhaite plus que d’affaiblir le clan démocratique et de diviser l’Union Européenne.
par
Jean Dubois
Brigitte Panah-Izadi
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